Depuis le 10 janvier 2020, le Code civil du Québec prévoit des changements importants en matière de copropriété. L’équipe DEVEAU AVOCATS a prévu en résumer les grands points au courant des prochaines semaines. Voici une première partie de cette réforme.
Carnet d’entretien et étude du fonds de prévoyance
En premier lieu, les syndicats de copropriété doivent désormais tenir un carnet d’entretien de l’immeuble et obtenir une étude du fonds de prévoyance afin d’établir les sommes nécessaires devant y être investies en prévision des travaux à effectuer dans les prochaines années. Il s’agit là d’un changement majeur, loin du 5% du budget annuel que l’on retrouvait antérieurement dans le Code civil du Québec pour l’établissement du fonds de prévoyance.
Le carnet d’entretien décrit notamment les entretiens faits et à faire sur l’immeuble et doit être mis à jour périodiquement. L’obligation vise à s’assurer de l’entretien des immeubles et il est cependant clair que des sommes devront être versées par les copropriétaires pour non seulement remplir les obligations qui en découlent, mais également pour voir à l’obtention de telles études.
À tous les 5 ans, les syndicats devront obtenir une étude du fonds de prévoyance, le but étant de s’assurer de l’exactitude des projections et des sommes réellement injectées au fonds de prévoyance. En ce domaine, le législateur confirme une pratique qui avait déjà commencé dans le domaine de la copropriété. L’article 1070 du Code civil du Québec ajoute ces éléments à la liste des éléments déjà existants que les copropriétaires ont droit de consulter.
Obligations et surveillance et contrôle du Conseil d’administration
D’autres points importants de cette réforme sont à souligner et sont de droit nouveau.
Les Conseils d’administrations devront rendre compte de façon beaucoup plus ponctuelle et importante de leurs décisions, contrairement à l’ancienne façon de faire qui consistait ni plus ni moins qu’à rendre compte de leur administration une fois l’an, savoir lors de l’assemblée des copropriétaires.
Les administrateurs devront fournir davantage d’informations, ce qui risque d’engendrer plus d’intérêts par les copropriétaires dans le processus décisionnel. Le travail des administrateurs risque d’être beaucoup plus scruté par les copropriétaires et, partant, l’implication des assureurs en responsabilité des administrateurs risque de s’accroître, d’où l’importance de prévoir une couverture adéquate.
Notons aussi que le Conseil d’administration devra désormais notifier (de quelle façon?) le procès-verbal de toute réunion qu’il tient ou de toute résolution écrite qu’il adopte, et ce, dans les 30 jours de la réunion ou de l’adoption d’une telle résolution (art. 1086.1 C.c.Q.). Le Code civil du Québec ne prévoit toutefois pas les moyens que devra prendre le Conseil d’administration pour notifier les procès-verbaux ou les résolutions écrites. Certaines déclarations de copropriété de facture récente prévoient un mode
de notification, mais il reste à savoir si le législateur exigera davantage à ce niveau. Certaines copropriétés fonctionnent actuellement avec des plates-formes web où chaque copropriétaire a accès aux documents de la copropriété et d’autres font appel au système de courriel plus « traditionnel ». Certaines autres déclarations de copropriété plus anciennes indiquent que les envois doivent être effectués par courrier recommandé. Il s’agit d’un mécanisme plus lourd et coûteux qui, certainement, devra être revu.
Le législateur a également mis en place un nouveau recours qui n’existait pas auparavant à l’encontre d’un Conseil d’administration, c’est-à-dire la possibilité pour un copropriétaire ou un administrateur de contester, dans les 90 jours, une décision du Conseil si :
Un recours semblable existait (et demeure, le délai étant allongé à 90 jours) à l’encontre des décisions de l’assemblée des copropriétaires (art. 1103, al. 2 C.c.Q.). La jurisprudence publiée à l’encontre des décisions d’assemblées des copropriétaires pourra guider les juristes dans l’application et l’interprétation des nouvelles dispositions puisque les conditions d’ouverture et le texte utilisé est le même.
Toutefois, nous attendrons l’interprétation des tribunaux pour les questions touchant des décisions qui ne relevaient pas des assemblées de copropriétaires, comme par exemple la question des travaux. Cette disposition pourrait-elle être invoquée à cet égard? Ne s’agit-il pas d’une prérogative du Conseil? Qu’adviendrait-il du contrat déjà signé avec l’entrepreneur si la décision devait être annulée par la suite considérant les délais inhérents pour s’adresser aux tribunaux?
La réforme prévoit également un mécanisme en cas d’opposition systématique au sein du Conseil ou en cas de blocage de celui-ci. Tout administrateur – ou tout copropriétaire même s’il n’est pas membre du Conseil – peut s’adresser au Tribunal afin d’obtenir une ordonnance qui serait appropriée dans les circonstances. Doit-on penser au mécanisme de séquestre déjà connu en droit (même s’il n’existe pas de biens à mettre sous séquestre)? Peut-on penser à une mise sous tutelle temporaire à titre de mesure de sauvegarde? Le nouvel article 1086.4 C.c.Q. accorde au Tribunal le pouvoir de remplacer le Conseil d’administration par un administrateur provisoire et déterminer les conditions de son administration. Il s’agit là d’un pouvoir de contrôle qui, a priori, relève du pouvoir d’une Cour supérieure. Cette question peut se soulever notamment en présence d’une clause d’arbitrage contenue dans la déclaration de copropriété. Un arbitre disposerait-il d’un tel pouvoir? Il est évident que chaque situation sera à considérer compte tenu des circonstances.
Nous voyons donc que, avec cette réforme, le rôle des administrateurs de syndicats de copropriété a été substantiellement encadré.
Qu’en est-il des autres aspects de la réforme? Nous vous en ferons part lors de notre prochaine chronique.