Tout récemment, la Cour supérieure a accueilli le pourvoi en contrôle judiciaire et a cassé les deux décisions rendues par la Commission municipale du Québec à l’encontre de Mme Montgomery, ancienne mairesse de l’arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce. Dans la première décision1, le juge administratif avait rejeté sa demande en arrêt des procédures relativement à la citation en déontologie et dans la deuxième2 elle a été reconnue coupable d’onze manquements au Code d’éthique et de conduite des membres du conseil de la Ville et de conseils d’arrondissement.
Il en ressort notamment de la décision de la Cour supérieure que dans l’éventualité où la Direction du contentieux et des enquêtes (ci-après « la DCE ») omet de respecter son obligation d’indépendance au stade de l’enquête, toutes les décisions suivant ce processus tombent puisque « même si la [DCE] n’est pas le décideur ultime, son comportement peut entacher l’ensemble du processus »3.
Dans cette affaire, une plainte avait été déposée par la Ville auprès de la Commission municipale à l’égard de Mme Montgomery à la suite d’une situation impliquant cette dernière, sa directrice de cabinet, le contrôleur général de la Ville et la mairesse Plante. L’ex-mairesse avait par la suite tenté à plusieurs reprises de discuter de la situation avec le directeur de l’arrondissement et le responsable du soutien des élus, mais sans succès. Mme Montgomery a ultimement pris la décision de proposer des mesures disciplinaires à ces deux fonctionnaires, d’où le recours en injonction intentée par la Commission municipale et la Ville conjointement visant à l’empêcher de communiquer avec les employés de l’arrondissement et de cesser toutes mesures de représailles contre ceux-ci.
Dans le cadre de sa demande en arrêt des procédures et rejet de la citation en déontologie, l’ex-mairesse était d’avis qu’en la poursuivant personnellement, la DCE n’avait pas agi de manière indépendante et impartiale à son égard durant le processus disciplinaire, ayant ainsi fait fi des exigences d’équité procédurale et allant à l’encontre de l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne.
Il en ressort de la décision du juge Pless qu’au stade de l’enquête, c’est seulement l’obligation d’indépendance qui s’applique et non celle d’impartialité.
Le juge Pless met de l’avant le test objectif permettant de déterminer le manquement à l’obligation d’indépendance : une personne bien renseignée sur les faits aurait-elle des craintes raisonnables d’un manque d’indépendance ? 4
Le tribunal conclut que le comportement de la DCE peut affecter tout le processus disciplinaire et qu’une personne raisonnablement informée aurait pu croire que la DCE n’était pas indépendante de la plaignante, Ville de Montréal, entre autres pour les raisons suivantes : mise en demeure conjointe envoyée préalablement à la demande d’injonction avec les logos de la Ville et de la Commission, les inquiétudes soulevées par les tribunaux de droit commun lors de la demande d’injonction à l’étape de la sauvegarde, de la provisoire, le fait que la Commission s’est désistée de sa demande suite aux commentaires quant au devoir d’impartialité, le degré de collaboration de la Commission, etc.
Ainsi, le tribunal finit par conclure que toutes « les décisions qui ont suivi le processus doivent être cassées. »5
Ce qu’il faut essentiellement retenir de l’affaire Montgomery c’est que la DCE se doit d’agir avec indépendance tout au long du processus d’enquête, à défaut de quoi elle s’expose à un arrêt des procédures ou un rejet d’une citation. Comme le mentionne le juge Pless, « un manque d’indépendance mine l’intégrité de l’ensemble du processus et de l’institution »6.