×

Indemnisation des victimes de violence conjugale

La violence conjugale est un enjeu de société qui doit être traité avec sensibilité par les tribunaux . C’est d’ailleurs ce qui se dégage des plus récentes modifications dans la Loi sur le divorce  relativement à la violence familiale . Les juges sont de plus en plus enclins à indemniser les victimes de violence conjugale dans le cadre de dossiers en matière familiale ou même civile . 

Ainsi, un(e) ex-conjoint(e) ou ex-époux(se) pourrait être indemnisé pour les préjudices subis durant la vie commune ou le mariage en raison de la violence conjugale.  

Les tribunaux adoptent une approche plus globale et libérale dans l’octroi des dommages compensatoires, moraux et punitifs. Par conséquent, il n’est pas nécessaire pour la victime de violence de déposer une expertise ou une preuve médicale pour établir le quantum des dommages. D’ailleurs, dans l’affaire Droit de la famille – 21964 * , même en l’absence de preuve d’expert médical ou psychologique, le tribunal accorde à l’épouse victime des dommages compensatoires, moraux et exemplaires. En effet, il nous éclaire sur le fardeau de preuve requis pour se voir accorder des dommages-intérêts (faute, dommages et lien de causalité) et la possibilité d’être quand même indemnisé pour des dommages compensatoires, moraux et punitifs sans avoir à rencontrer ce fardeau de nature civile . 

Afin d’octroyer des dommages compensatoires, moraux et punitifs, les tribunaux procéderont à une analyse des faits propres à chaque cas. Ils tiendront compte notamment de la gravité et du caractère répétitif des événements, du nombre d’années de souffrance, de la capacité de payer du conjoint violent et du caractère intentionnel des fautes commises.

En effet, les juges ont tendance à attribuer une somme sous le chef des dommages exemplaires considérant que la violence conjugale porte manifestement atteinte à certains droits et libertés fondamentaux protégés par la Charte des droits et libertés de la personne particulièrement la sécurité, la dignité, l’intégrité et la liberté . Ils veulent dissuader les conjoints(es) violents(es) et prévenir les risques de récidive de la violence conjugale. 

Dans la décision toute récente A.A. c. N.R. **, le tribunal met de l’avant l’approche qu’il adopte dans l’établissement des dommages non pécuniaires qui va comme suit : 

Dans cette affaire, Madame, victime de violence conjugale pendant plusieurs années, a décidé d’entreprendre un recours civil contre son ex-époux pour obtenir des dommages pécuniaires, non pécuniaires et punitifs. Il appert qu’elle avait énormément souffert des crises de colère de monsieur, de dénigrement, d’insultes, de menaces de mort, de voies de fait, de violence physique et sexuelle, et même d’insécurité et de peur de cohabiter avec un époux violent devant leur enfant. Le tribunal lui a accordé 30 000$ à titre de dommages non pécuniaires en compensation du préjudice psychologique, des douleurs et inconvénients causés ainsi que 15 000$ à titre de dommages punitifs. À titre informatif, bien qu’il s’agît d’un dossier civil, le tribunal a décidé de le garder sous scellé puisqu’il soulevait tout de même des questions de nature familiale. 

Par ailleurs, dans O’Brien c. M.H. ***, un des cas les plus « graves » dans la jurisprudence, une victime de violence conjugale s’est vu octroyer jusqu’à 75 000$ en dommages non pécuniaires et 25 000$ en dommages punitifs par la Cour d’appel. Elle avait subi de la violence verbale, physique et psychologique sévère par son conjoint qui l’avait notamment séquestrée pendant trois jours. 

À la lumière de ce qui précède, nous pouvons comprendre que les tribunaux jouissent d’une grande discrétion dans l’octroi de certains dommages et sont de plus en plus sensibles aux demandes relatives à la violence conjugale.   

 

RÉFÉRENCES
Droit de la famille – 21964, 2021 QCCS 2172

** A.A. c. N.R., 2021 QCCS 3101

*** O’Brien c. M.H., 2020 QCCA 1157

Nos Bureaux 1-866-686-1122