Achat d’une maison sans garantie : conséquences et obligations des nouveaux propriétaires
Depuis l’avènement de la pandémie mondiale COVID-19, de la montée fulgurante du prix des maisons unifamiliales au Québec1 et de la surenchère subséquente entre acheteurs, les offres d’achat n’étant pas assorties de conditions d’inspection préalable et renonçant à l’application de la garantie légale se multiplient.
Force est de constater qu’un marché immobilier pour lequel la demande ne cesse de croitre et où l’offre se fait de plus en plus rare, la compétition directe entre acheteurs potentiels tend à favoriser la multiplication des offres d’achat qui ne sont pas assorties d’inspections et excluent l’application de la garantie légale, très alléchante pour les vendeurs.
Qu’en est-il toutefois des impacts légaux pour les nouveaux propriétaires?
La garantie légale de qualité octroie une protection durable et significative aux nouveaux propriétaires en cas de vices cachés affectant leur propriété. Le propre du vice caché étant qu’il soit inconnu de l’acheteur et non apparent, le régime de la garantie légale offre une avenue de recours pour l’acheteur dramatiquement plus avantageuse que celle qui lui est offerte en son absence, soit l’allégation du dol.
Le dol, ou le fardeau de prouver un comportement malhonnête du vendeur qui vise à tromper l’acheteur par le silence, la réticence ou les renseignements trompeurs est un exercice laborieux. L’acheteur aura à renverser la présomption de bonne foi accordée au vendeur et consacrée au Code civil du Québec pour espérer obtenir gain de cause dans ce type de recours2.
À l’inverse, en application de la garantie légale de qualité, dès lors que l’acheteur démontre s’être conduit de manière prudente et diligente lors du processus d’achat, qu’un vice affectait la propriété au moment de l’achat d’une importance telle que l’acheteur n’aurait pas acheté la propriété ou aurait demandé une diminution de prix si le vice avait été connu et apparent3, il répond au fardeau de preuve d’un recours en vices cachés.
Il revient alors à l’acheteur de dénoncer le vice au vendeur par écrit, de lui permettre de venir constater celui-ci avec l’expert de son choix et de lui accorder l’opportunité d’effectuer les travaux correctifs à ses frais.
Le couteau est toutefois à double tranchant lorsqu’une offre est formulée sans être assortie de conditions d’inspection. Comment un acheteur peut-il démontrer sa prudence et sa diligence s’il exclut l’intervention d’un inspecteur en bâtiment ou un professionnel pour vérifier l’état de la propriété avant l’achat? Il lui reviendra de démontrer sa prudence et sa diligence par sa propre inspection des lieux, à tout le moins, sans bénéficier du poids accordé par les tribunaux à l’inspection professionnelle4.
La durabilité de la protection d’une vente incluant l’application de la garantie légale est significative. Au fil des ventes et achats d’une propriété avec garantie légale, la responsabilité des propriétaires antérieurs aux acheteurs et vendeurs actuels peut être engagée si le vice existait au moment d’une vente précédente. Une chaîne ininterrompue de ventes avec garantie légale peut ainsi permettre de tenir le propriétaire véritablement responsable à remédier au vice.
De nombreux acteurs du système de justice prônent l’accès à la justice comme pierre angulaire d’un système sain et fonctionnel. Il revient à tous de mettre en garde les acheteurs contre la multiplication des offres d’achat excluant l’application de la garantie légale de qualité et l’inspection préalable, pour lesquelles le jeu n’en vaut tout simplement pas la chandelle.
Ce texte présente une opinion juridique qui ne peut remplacer la consultation d’un avocat de notre étude qui tiendra compte des particularités de votre dossier.
1 Institut de la statistique du Québec, Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, Sommaires du rôle d’évaluation foncière des municipalités
2 Lépine c. Khalid, 2004 CanLII (QC CA)
3 Leroux c. Gravano, 2016 QCCA 79
4 St-Louis c. Morin, 2006 QCCA 1643